Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/170

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sans cesse, « restez prêtre ! Vous n’avez pas le droit de cesser d’être prêtre ! C’est une partie de votre honneur. Quitter l’Église, pour vous, ce n’est pas abdiquer, c’est déserter ! » Lamennais résista à ses conseils sur ce point, mais sans cesser, comme ses deux illustres amis, de reconnaître et d’accepter pour tout le reste la direction de Béranger.


II

D’où venait cette influence singulière chez un simple chansonnier ? De trois choses. D’abord de son admirable bonté de cœur. Je n’ai pas connu âme plus généreuse. Il avait toutes les charités ! Aumônier de son temps, aumônier de ses démarches, aumônier de ses conseils, aumônier de son argent. Sa perpétuelle préoccupation des autres s’est traduite un jour par un mot charmant. « Comment faites-vous, lui disait un de ses amis, pour ne pas vous ennuyer, en dînant si souvent tout seul ? ― Oh ! mon Dieu ! mon moyen est bien simple, c’est de ne jamais penser à moi. » Il me serait facile de citer mille exemples de sa générosité. Je me bornerai à un seul. Une pauvre femme, qu’il aimait et estimait, vint lui faire part de sa détresse et de son impossibilité de trouver un prêteur. « Combien vous faut-il ? ― Trois cents francs. » Trois cents francs étaient alors une grosse somme pour Béranger. Il va à son secrétaire. « Les