Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien, sur quoi porte le cinquième acte d’Épicharis et Néron ? Sur la même situation. Mettez Néron au lieu de Monaldeschi, mettez un poignard au lieu d’une épée, mettez le peuple implacable et rugissant au dehors ; au lieu de l’exécuteur présent et implacable, mettez les souterrains du palais des Césars au lieu d’une salle du palais de Fontainebleau, et vous aurez le même spectacle, d’un lâche fuyant devant la pointe d’acier, avec le même mélange d’affolement, d’espérance, de rage, auquel viennent se joindre quelques accents plus tragiques encore, car ce sont des cris de bourreau sortant de la bouche de la victime. C’est Talma qui jouait Néron. Il y fut sublime. Il osa, dans ce cinquième acte, entrer en scène pieds nus.


 
ACTE CINQUIÈME

Le théâtre représente un souterrain qui se prolonge dans un lointain immense. Une lampe l’éclaire.

Scène première

NÉRON (seul, dans l’habillement le plus misérable)
Je fuis, seul, les pieds nus, le front enveloppé,
Caché sous les lambeaux de l’obscure indigence,
Maudit, et poursuivi des cris de la vengeance.
Enfin, j’entre en rampant sous ces sombres caveaux,
Comme un vil criminel jeté dans les cachots.
. . . . . . . . . . . . . . . .
O ciel ! oh ! si jamais je reprends ma puissance,
Que de torrents de sang rempliront ma vengeance !
Que d’échafauds dressés me paîront mes douleurs !
Il faut une victime à chacun de mes pleurs !