Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quoi ! tout souillé du sang des malheureux humains,
Ton sang, lâche Néron, épouvante tes mains !
Le tien est-il le seul que tu n’oses répandre ?
De mon bras seul encor mon destin peut dépendre,
Et ce bras, ce vil bras n’ose me secourir !
Je n’aurai pas su vivre et ne sais pas mourir !
(on entend un grand bruit dans la coulisse)
De quel bruit effrayant mon oreille est saisie !
(à l’esclave :)
Esclave, aide ma main à m’arracher la vie !
Phaon, guide ce fer !
. . . . . . . . . . . . . . .


Il n’osait pas se frapper lui-même… Néron, comme dit Ducis dans une belle épître adressée à mon père,

 
…Néron, sur son sein qui recule,
Essaye, en tâtonnant, un poignard ridicule !


N’y a-t-il pas une analogie réelle entre cette scène et le point de départ de celle de Monaldeschi ?

À Dieu ne plaise que j’accuse Alexandre Dumas d’imitateur et d’emprunt ! Un inventeur comme lui, prête, il n’emprunte pas. Épicharis et Néron avait disparu depuis longtemps du répertoire ; on dédaignait trop les tragédies de l’Empire pour lire celle-ci ; Alexandre Dumas ne la connaissait certes pas. Il a simplement eu la même idée à quarante ans de distance. Mais n’est-ce pas une gloire pour mon père d’avoir inventé en 1794 une situation dramatique qui a passé pour une hardiesse en 1830.

Ajoutons que cette tragédie faillit coûter la vie au poète. Quand elle fut donnée, la lutte entre Robespierre et Danton était à son moment le plus aigu. Les deux