Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/207

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un mot qu’elle m’a dit à moi-même, et qui prouve combien, chez ces natures tout instinctives, le sentiment arrive parfois jusqu’à la finesse et à la profondeur. Nous causions de Talma :

« Il est plus beau que jamais, n’est-ce pas ? lui dis-je. Vous qui jouez avec lui depuis longtemps, vous devez trouver qu’il fait toujours des progrès ?

— Oui, me dit-elle, il est plus complet, mais au quatrième acte d’Hamlet, dans la scène avec sa mère, il ne me fait plus aussi peur.


V

J’arrive enfin au point le plus délicat de cette étude. La Mort de Henri IV avait eu un plein succès. Ce succès fut-il légitime ? Reste-t-il quelque chose de cette œuvre ? J’aborde là une question d’art très complexe. J’avouerai d’abord en toute franchise que la Mort de Henri IV, malgré de très réelles beautés, ne m’a pas autant plus qu’Épicharis et que la Mort d’Abel. Cette tragédie est trop fille de la Henriade ; Henri IV y est trop ennobli. La périphrase sur la poule au pot :

 
Oui, je veux que le peuple ait par ma bienfaisance
Quelques-uns de ces mets réservés à l’aisance,


mérite, j’en conviens, la critique de Victor Hugo. Mais en même temps, il est juste de dire que cette