Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/216

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de place. Nous autres, au contraire, lancées, à l’heure des récréations, dans de vastes enclos de quatre ou cinq arpents, qui étaient plantés d’arbres tout autour, avec un large espace libre au milieu, nous avions le champ ouvert pour toutes nos folies de poulains échappés. Je me souviens encore avec émotion de ces parties de barres du jeudi qui commençaient à une heure pour ne finir qu’à la nuit, et où pendant six heures, la tête en feu, le corps en eau, la chemise ouverte, courant, criant, haletant, rageant, triomphant, je tombais le soir, à l’heure du souper, sur le banc du réfectoire, épuisé, moulu, et ravi ! De la passion du jeu, naquit bientôt en moi la passion de tous les exercices du corps. J’aimai la natation jusqu’à la folie, et l’escrime jusqu’à la rage. Il m’est arrivé dans ma jeunesse de faire vingt-cinq lieues, dans un temps où il n’y avait pas de chemin de fer, pour aller croiser le fer avec un fort amateur, et je me rappelle… mais je serais un ingrat de parler ainsi en courant, et à la légère, de cet art qui, avec la musique, a été une des joies de ma vie. Chacune d’elles mérite un chapitre à part dans ce livre, et je commence par l’escrime.