Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/281

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« Savez-vous ? Mon bonheur, c’est Juliette ! Il est mort comme elle, et moi je suis Roméo, je le pleure.

« J’ai dans mon âme un ruisseau de larmes dont la source est pure, elles arroseront les fleurs de mon tombeau lorsque je ne serai plus de ce monde. Peut-être l’autre me donnera une récompense là-haut !

« Chassons les idées lugubres ! dans ce moment elles sont cadavéreuses… La mort est à la tête d’elles ; bientôt à la mienne…

« Pardon, je m’égare ; je pleure et me soulage en vous faisant dépositaire de mes plus secrètes pensées…

« Vous ne m’en voulez pas, n’est-ce pas ?

« Non, vous ne le pouvez.

« Venez me dire vous-même que vous me plaignez. Venez de suite. ― Nous causerons, nous serons dans l’autre monde ; je fermerai ma porte à celui-ci. »


J’ai parlé de sa grâce d’esprit. Est-ce que les lignes suivantes ne le disent pas mieux que moi ?


« Vous avez raison, apportez le journal allemand, nous le lirons ensemble, on n’est pas trop de deux pour lire un journal allemand. Par exemple, je crois bien que nous le laisserons sur la table, car nous ferons mieux que de le lire, nous en inventerons un, celui du petit monde où nous vivons… vous savez lequel. Adieu, je me sauve, je me sauve du papier, que me tenterait d’écrire à n’en plus finir. Savez-vous pourquoi je suis si gaie ? C’est qu’il fait beau, et je sens qu’il fait printemps dans moi. »


J’ai parlé de sa vaillance. Voici une lettre écrite après la révolution de Juillet :