Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/446

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de ces mille embarras où il se débattait toujours, il ajoute : « Ah, à propos, nous dînons jeudi chez les Gilbert. Je n’ai pas encore faim, mais cela viendra. » Un de ses derniers collaborateurs fut Michel Masson, le doux Michel Masson qui, avec ses longs cheveux bouclés, argentés et sa physionomie placide, avait l’air d’un petit mouton blanc. Un jour qu’il travaillait avec Goubaux à je ne sais plus quel drame, Goubaux lui propose une idée. Elle ne plaît qu’à demi à Masson, qui, avec mille réticences, mille atténuations, insinue timidement, tout bas, à son collaborateur, que son idée n’est peut-être pas très bonne.

« Ah, bien alors, Masson, s’écrie Goubaux en se levant, si vous vous emportez !… »

Ce qu’il y avait d’admirable dans sa gaieté, c’est qu’elle n’était pas seulement de la fantaisie, de l’imagination, de l’esprit, c’était une des formes de sa vaillance. En vain paraissait-il abandonné de Dieu et des hommes, il ne s’abandonnait jamais ! Une femme de ses amies et des miennes disait de lui : « Si M. Goubaux tombait à la mer, il serait noyé depuis une heure qu’on verrait encore ses deux mains s’agiter au-dessus de l’eau et appeler au secours. » Voilà l’homme. Il crut, il espéra, il aima ; c’est ce qui lesauva.