Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/486

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finie, Mlle Mars rentre dans la coulisse, la mine basse, n’osant pas regarder Mlle Contat qui alla à elle, lui prit la main et lui dit : « Bravo ! Voilà une leçon meilleure que toutes celles que je pourrais te donner. Souviens-toi qu’il ne faut lever le bras gauche que quand on casserait la ficelle. »

Mlle Contat ne trouverait guère d’élèves aujourd’hui, où les plus jolies et les plus jeunes comédiennes cherchent un moyen de succès dans la vulgarité des gestes, dans les déhanchements de corps, dans la trivialité des intonations. Autrefois, pour plaire, une actrice devait avoir du goût, aujourd’hui il faut qu’elle ait du ragoût. Comment en serait-il autrement, puisque les jeunes femmes du monde, et du meilleur monde, leur donnent l’exemple ? Il y a quinze ans, quand Sardou osa mettre dans la bouche d’une jeune fille quelques termes d’argot, ce fut un cri général d’indignation. Aujourd’hui, les « c’est épatant, c’est tordant, » font partie du dictionnaire usuel des demoiselles. Je ne peux m’y faire. Quand je les entends prononcer ces affreux mots, il me semble qu’elles jurent. Mlle Mars dirait qu’elles blasphèment.

Je ne saurais oublier un des plus rares mérites de Mlle Mars. Elle était une excellente conseillère.

Au troisième acte de notre drame, Louise surprenait son mari à un rendez-vous avec sa maîtresse. Nous avions représenté le mari embarrassé, peiné, un peu repentant.

« C’est absurde ! s’écrie Mlle Mars ; il faut qu’il se mette en colère ! Il est dans son tort, il faut qu’il m’accuse ! Il faut qu’il me maltraite de paroles. Voilà votre