Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/563

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nous grandissons exercent une puissante influence sur notre vie. Scribe nous en offre un frappant exemple.

Il vint dans ce monde, le 11 juin 1790, rue Saint-Denis, dans un magasin de soieries tenu par sa mère, à l’enseigne du Chat Noir, à quelques pas du quartier des Halles, c’est-à-dire en plein commerce, en pleine bourgeoisie travailleuse, loin de l’aristocratie et tout près du peuple. Son talent porte la marque de son origine.

Ajoutons, comme second point à noter, qu’il eut pour tuteur un avocat célèbre, Me Bonnet, qu’il sortait chez lui tous les dimanches, et que de là lui vint peut-être en partie cette entente des affaires, qu’on lui a si souvent reprochée comme un défaut, et dont il n’a jamais fait qu’une qualité. Enfin, troisième circonstance importante, il fut élevé à Sainte-Barbe. Nul doute qu’il n’ait pris là son culte pour les amitiés de collège, dont apparaît à tout instant la trace dans son théâtre. Vingt pièces de Scribe s’ouvrent par la rencontre de deux camarades qui retrouvent, en se revoyant, toutes leurs affections, toutes leurs espérances de jeunesse, et les souvenirs échangés jettent je ne sais quoi d’attendri dans la gaieté et l’exposition.. Il est vrai que Sainte-Barbe lui avait donné des camarades bien propres à lui mettre au cœur l’amour des vieux amis. C’étaient Germain et Casimir Delavigne. On les appelait tous trois, les inséparables. Casimir et Germain sortaient les jours de congés chez leurs parents, et Germain avait, par je ne sais quelle relation de petit directeur de théâtre, des billets de spectacle. Il y allait