Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/609

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conversation s’engage. Le masque avait de l’esprit. La tête de Scribe se monte, il cause,… il presse, on ne se défend qu’à demi ! Il offre l’hospitalité dans son appartement de garçon,… on accepte ! Il demeurait alors place de la Bourse, au troisième. Les voilà partis ! Les voilà arrivés ! Les voilà montant l’escalier. Tout à coup, au premier étage, la dame s’arrête. « Pas encore ! lui dit Scribe, ce n’est pas là. ― Mais si, vraiment ! ― Oh ! pardon ! ajoute-t-il gaiement. Je demeurerai peut-être un jour au premier ; mais aujourd’hui… ― Aujourd’hui, dit la femme en ôtant son masque, c’est moi qui y demeure. ― Comment ! Madame ! ― Oui, mon cher voisin, et je vous remercie mille fois de m’avoir reconduite. J’avais perdu mon mari au bal, je mourais de peur ! Je ne savais comment revenir chez moi ! Heureusement, j’ai rencontré le plus aimable des cavaliers, qui a improvisé à mon bénéfice une des plus jolies déclarations de toutes ses comédies, terminée par le plus heureux dénouement, ce dont je lui rends grâces de tout mon cœur, en attendant que mon mari aille demain lui offrir l’expression de toute sa gratitude. » Là-dessus, elle fait à Scribe la plus aimable révérence, et entre chez elle, le laissant sur l’escalier, tout penaud, tout confus et très affligé… La dame fut-elle touchée du regard de reproche et de regret qu’il lui jeta ? Cette petite comédie en un acte en eut-elle un second ? Il ne me l’a jamais dit.

Toutes ses aventures n’étaient pas des mésaventures ; d’autant plus qu’il ne prenait pas l’amour au tragique. Il ne jouait pas les Antony. Une jolie fille, une bonne