Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/642

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— A deux heures. »

Et là-dessus Viennet part triomphant, mais triomphant sans surprise, avec calme, comme quelqu’un à qui on rend ce qu’on lui doit, et disant à tout le monde : « Elle est vraiment très bien, cette jeune tragédienne ! De l’intelligence ! Du goût ! Du tact ! Elle veut absolument jouer ma Roxane ! »

Le lendemain, à l’heure dite, il arrive : « Madame est sortie. » Il revient le surlendemain : « Madame est malade. »

Le troisième jour, il sonne, furieux ; c’est un valet de chambre qui vient ouvrir.

« Mademoiselle Rachel ?

— Si monsieur veut entrer ?

— Enfin ! » se dit Viennet.

On l’introduit dans un petit salon, où attendait aussi un jeune homme décoré et de très charmante tournure.

« Monsieur veut-il me donner sa carte, dit le valet de chambre.

— Mon nom suffit : Viennet.

— Je vais voir si madame est visible. »

Le domestique ouvre la porte d’un second salon, et le pauvre poète entend la voix de Mlle Rachel, répondant au valet de chambre :

«  M. Viennet ! Dites-lui qu’il m’embête. »

On conçoit la fureur du pauvre poète. Il était tenté de tout briser. Le jeune homme souriait.

« Vous riez, monsieur, lui dit M. Viennet, vous ne savez donc pas que c’est la troisième fois…