Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/14

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pour devenir chimiste ; mais la difficulté était d’être initié dans les mystères. Il prit des livres de chimie, en rassembla les expressions les plus obscures, et qu’il entendait le moins, en composa une lettre inintelligible pour lui-même, et l’adressa au directeur de la société secrète, demandant à y être admis sur les preuves qu’il donnait de son grand savoir. On ne douta pas que l’auteur de la lettre ne fût un adepte ou à peu près. Il fut reçu avec honneur dans le laboratoire, et prié d’y remplir les fonctions de secrétaire ; on lui offrit même une pension. Il s’instruisit beaucoup avec eux, pendant qu’ils croyaient s’instruire avec lui[1]. »

III

À Nuremberg, en 1667, Leibniz avait fait la connaissance d’un des hommes les plus influents et les plus distingués de l’Allemagne, le baron de Boinebourg, ministre de l’électeur de Mayence, Jean-Philippe. L’homme politique devina les merveilleuses facultés du jeune savant et désira vivement se l’attacher. Voilà donc Leibniz sorti de l’obscurité des écoles et introduit tout à coup sur la scène brillante de la vie publique et de la politique. Il se mêla aux affaires et prit part à presque tous les grands événements du temps. Le premier résultat de sa nouvelle situation fut de lui faire entreprendre une vaste réforme du droit et de la jurisprudence. Revêtu de fonctions judiciaires importantes il applique au droit et à la jurisprudence sa méthode habituelle, c’est-à-dire qu’il fait tous ses efforts pour les systématiser et les ramener à leurs principes rationnels. « Les différentes matières du droit, dit Fontenelle, sont effectivement dans une grande confusion ; mais sa tête, en les recevant, les avait arrangées ; elles s’étaient refondues dans cet excellent moule, et elles auraient beaucoup gagné à reparaître sous la forme qu’elles y avaient prise[2]. » De cette entreprise résultèrent en 1667 et 1668 deux importantes publications, une nouvelle méthode pour apprendre et enseigner la jurisprudence (Nova Methodus discendæ docendæque jurisprudentiæ) et une réforme du corps du droit (Corporis juris reconcinnandi ratio). Cette même année vit paraître un livre de Leibniz sur l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, sous le titre, donné par l’éditeur, de Confessio naturæ contra atheistas. Mais

  1. Fontenelle, Éloge de Leibniz, p. 112.
  2. Ibid.