Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/18

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réelle. Sa conception nouvelle de la substance lui paraît un sûr moyen de réconcilier les deux dogmes : avant d’en faire sortir toute une métaphysique nouvelle, il s’attache à en montrer les immenses avantages théologiques. Aussi, plus tard, mêlera-t-il encore constamment l’exposition favorite de son dynamisme au projet de réconciliation des Églises, qu’il poursuit dans sa correspondance avec Pellisson, et de concert avec Bossuet.

IV

Après les voyages à travers les livres, les voyages à travers le monde. C’est à Paris, où il accompagnait le fils de M. de Boinebourg, que Leibniz se perfectionna dans l’étude des hautes mathématiques. Paris et la fréquentation de plusieurs hommes célèbres, notamment de Huygens, achevèrent l’édifice de ses connaissances universelles. Il lit et approfondit les ouvrages mathématiques de Pascal et, par esprit d’émulation, il invente une machine arithmétique qui exécute des multiplications, des divisions et même des extractions de racines, tandis que celle de Pascal ne pouvait faire que des additions et des soustractions. Il s’entretient de théologie avec Arnauld ; il entre en relations avec Colbert pour une mission diplomatique que son protecteur lui avait confiée, mais qui était sans doute aussi une conception de son génie ouvert à tout et original en tout. Prévoyant les dangers que la puissance et l’esprit belliqueux de Louis XIV feraient courir à l’Allemagne, il voulait détourner de son pays les armes françaises et les diriger contre les Turcs. Il conseillait la conquête de l’Égypte entreprise plus tard par Bonaparte, mais il échoua, comme on sait, dans cette négociation. Dès l’année 1671, il avait dédié à l’Académie des sciences et à la Société royale de Londres, des ouvrages de mécanique[1] ; « il semble, dit Fontenelle, qu’il ait craint de faire de la jalousie. » Cependant, il écrit en 1676, à Foucher « qu’il n’est géomètre que depuis peu[2], » et l’on trouve dans la même correspondance (1695) ce témoignage de Leibniz lui-même sur les rapports de sa philosophie avec les mathématiques. « Vous avez vu que tout mon système est fondé sur la considération de l’unité réelle qui est indestructible et sui juris, et dont chacun

  1. Éloge de Leibniz, 115.
  2. Éd. Gerhardt, t. Ier, p. 371.