Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/34

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Voilà comment nous éviterons de nous substituer à notre auteur et nous commenterons Leibniz par Leibniz lui-même. En lisant avec soin le texte et les notes qui portent uniquement, non sur les mots, mais sur la doctrine, en s’attachant à saisir la suite et l’enchaînement des thèses dans la brève analyse qui va suivre et en recourant, pour l’explication des mots techniques et de la terminologie leibnizienne, au lexique qui termine l’ouvrage, nos lecteurs trouveront dans ce petit volume un Manuel complet de philosophie leibnizienne.

Qu’on nous permette d’ajouter que, si nous ne regardions pas cette philosophie comme la plus vivante et la moins vieillie de toutes celles que l’histoire de la philosophie nous fait connaître, nous n’aurions peut-être pas eu le difficile courage de nous asservir si complètement et si scrupuleusement à une pensée étrangère. Nous ne saurions trop conseiller à nos jeunes lecteurs de s’y asservir aussi sans réserve et d’abdiquer provisoirement le sens critique : le livre lu, il sera toujours temps pour eux de se ressaisir et de secouer le joug, s’il leur semble trop dur à porter. Qu’ils essayent d’être sincèrement et entièrement leibniziens pendant qu’ils liront Leibniz ; c’est le seul moyen de pénétrer jusqu’au fond de ce système si curieux et si riche d’aperçus originaux. De cette lutte contre les difficultés d’une métaphysique qui aspire à tout embrasser dans l’immense réseau de ses explications, leur esprit sortira plus souple, plus fort et mieux armé. La métaphysique est la poésie de la philosophie ; si vous y apportez dès l’abord une disposition sceptique et railleuse, ou seulement tiède et indifférente, vous n’y verrez qu’une poésie sophistiquée et vous serez à jamais incapables d’en goûter les sublimes beautés.

II

Au premier aspect la Monadologie est la confusion même et il n’est pas aisé de saisir le fil conducteur qui relie les thèses entre elles. Descartes divise son Discours de la méthode en six parties, afin d’aider le lecteur « qui le trouverait trop long pour être lu en une fois. » Leibniz n’a pas de ces attentions pour le lecteur ; essayons donc d’y introduire les divisions générales qu’il a négligé de signaler et tâchons de le décomposer en ses articulations naturelles.

Il y aurait une division très simple, celle même de la méta-