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LA MONADOLOGIE[1]


(principia philosophiæ, seu theses in gratiam principis eugenii conscriptæ)


1714

1[2]. La Monade dont nous parlerons ici n’est autre chose, qu’une substance simple, qui entre dans les composés, simple, c’est-à-dire sans parties (Théod., §10).

2[3]. Et il faut qu’il y ait des substances simples puisqu’il

  1. Rappelons : 1o que nous n’expliquons pas dans ces notes la terminologie de Leibniz. On trouvera à la fin du volume un lexique de tous les mots techniques de la Monadologie. Nous avons renoncé à les expliquer en notes pour ne pas distraire sans cesse l’attention du lecteur d’un texte dans lequel il est déjà fort difficile de suivre l’enchaînement des idées, et pour éviter de le renvoyer de notes en notes quand les mêmes expressions techniques, comme il arrive, se présentent un grand nombre de fois ; — 2o que nous entreprenons de commenter presque exclusivement Leibniz par Leibniz lui-même. Nous y étions invité par l’auteur même de la Monadologie, puisqu’il renvoie lui-même le lecteur aux développements de la Théodicée, le seul grand ouvrage de philosophie déjà publié par lui quand il écrivait la Monadologie. Il y a donc lieu de s’étonner qu’on n’ait pas suivi ces indications. Outre que c’est se conformer aux intentions bien évidentes de Leibniz, c’est aussi se mettre à l’abri de l’accusation presque inévitable d’accoucher Leibniz et d’altérer son système en le traduisant, pour ainsi dire, dans une autre langue philosophique.
  2. Substance simple, c’est-à-dire sans parties. — Théod., §10 : « Le système de l’harmonie préétablie est le plus capable de guérir ce mal. Car il fait voir qu’il y a nécessairement des substances simples et sans étendue, répandues par toute la nature ; que ces substances doivent toujours subsister indépendamment de tout autre que de Dieu et qu’elles ne sont jamais séparées de tout corps organisé. » Le mal que le système de l’harmonie préétablie est le plus capable de guérir, c’est le quiétisme exagéré et le panthéisme spinoziste : le quiétisme est « l’anéantissement de ce qui nous appartient en propre » et cet anéantissement n’est plus possible dans le système des monades puisque chaque monade est ingénérable, et, par sa simplicité même, incorruptible ; le panthéisme « ne reconnaît qu’une seule substance dans le monde, dont les âmes individuelles ne sont que des modifications passagères », tandis que la monadologie pose autant de substances qu’il y a de monades, c’est-à-dire un nombre indéfini et déclare même que ces substances, loin de se confondre en une seule, « n’ont pas de fenêtres sur le dehors. » — On trouvera dans les Principes de la Nature et de la Grâce l’équivalent de ce premier paragraphe avec quelques explications complémentaires : « La substance est un être capable d’action. Elle est simple ou composée. La substance simple est celle qui n’a point de parties. La composée est l’assemblage des substances simples ou des monades. Monas est un mot grec qui signifie l’unité ou ce qui est un. » (Erdm., 714, a.)
  3. Il faut qu’il y ait des substances simples. — Cf. Lettre à Arnauld (1687) :