Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/52

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ments. Et feignant qu’il y ait une Machine, dont la structure fasse penser, sentir, avoir perception ; on pourra la concevoir agrandie en conservant les mêmes proportions, en sorte qu’on y puisse entrer, comme dans un moulin. Et cela posé, on ne trouvera en la visitant au dedans, que des pièces qui se poussent les unes les autres, et jamais de quoi expliquer une perception. Ainsi c’est dans la substance simple, et non dans le composé ou dans la machine, qu’il la faut chercher. Aussi n’y a-t-il que cela qu’on puisse trouver dans la substance simple, c’est-à-dire, les perceptions et leurs changements. C’est en cela seul aussi que peuvent consister toutes les Actions internes des substances simples. (Préf.***, 2 b.)

18[1]. On pourrait donner le nom d’Entéléchies à toutes les substances simples, ou Monades créées, car elles ont en elles une certaine perfection (ἔχουσι τὸ ἐντελές), il y a une suffisance (αὐτάρκεια) qui les rend sources de leurs actions internes et, pour ainsi dire, des Automates incorporels (§87).


    dans notre esprit sous forme de conception. Par une série d’observations concrètes et d’abstractions appropriées, nous arrivons à l’idée essentielle d’une machine à vapeur, au concept fondamental, sorte de dernière généralisation de sa nature, le principe intime de sa possibilité en tant que machine à vapeur. Le procédé est le même par rapport aux phénomènes variés de l’esprit : à force de les observer et d’abstraire les cas particuliers, nous obtenons la conception générale de l’idée essentielle de l’esprit, qui n’a pas plus d’existence hors de l’esprit, que n’en a une abstraction ou un terme général quelconque… D’une abstraction métaphysique, on a fait une entité spirituelle ; et l’on a placé ainsi, sur la route de l’investigation positive, une barrière infranchissable. » (Maudsley, Physiologie de l’Esprit, trad. Herzen, p. 75.)

  1. Automates incorporels. — Il ne faut pas entendre le mot automate dans le sens de machine, mais bien dans le sens étymologique de machine ayant en soi le principe de son mouvement. Toutefois, la pensée de Leibniz est un peu fuyante sur ce point : tantôt c’est le corps qu’il appelle un automate, et alors, c’est le premier sens qui domine ; et tantôt c’est l’âme, et il faut l’entendre dans le sens de spontanéité. Voici des exemples qui pourront éclaircir la difficulté. « L’auteur nie que Dieu puisse faire un automate capable de faire, sans la raison, tout ce que l’homme fait avec la raison… Mais il y a des exemples sans nombre de tels ouvrages de Dieu, qui font bien plus. Ce qui forme le fœtus, est un automate dont l’artifice passe tout ce que les hommes peuvent faire par la raison : le plus beau poème, ou tel autre ouvrage d’esprit que ce puisse être, n’en approche pas. » (Erdm., 459, b.) Et ailleurs : « Il n’y a point de doute qu’un homme pourrait faire une machine capable de se promener, durant quelque temps dans une ville, et de tourner justement au coin de certaines rues. Un esprit incomparablement plus parfait, quoique borné, pourrait aussi prévoir et éviter un nombre incomparablement plus grand d’obstacles. » (Erdm., 183, b.) Voilà pour les automates corporels ; voici maintenant pour les automates incorporels. Reportons-nous d’abord au passage allégué par Leibniz. (Théod., §87.) « L’Entéléchie, étant permanente, porte avec elle non seule-