Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/79

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chie : et comme ce corps exprime tout l’univers par la connexion de toute la matière dans le plein, l’âme représente aussi tout l’univers en représentant ce corps, qui lui appartient d’une manière particulière (§400).

63[1]. Le corps appartenant à une Monade, qui en est l’Entéléchie ou l’Âme, constitue avec l’Entéléchie ce qu’on peut appeler un vivant, et avec l’Âme ce qu’on appelle un Animal. Or ce corps d’un vivant ou d’un animal est toujours organique ; car toute Monade étant un miroir de l’univers à sa mode, et l’univers étant réglé dans un ordre parfait, il faut qu’il y ait aussi un ordre dans le représentant, c’est-à-dire dans les perceptions de l’âme, et par


    Ce corps lui appartient d’une manière particulière. — Non qu’elle le meuve ou qu’elle le crée ; mais en vertu d’une perfection plus grande, qui lui subordonne les monades moins parfaites qu’elle. Cependant la coexistence de l’âme, avec un corps organisé, est un fait nécessaire ; elle ne se dépouille jamais entièrement du corps qu’elle exprime, mais ce corps, c’est le Vaisseau de Thésée, c’est l’habit d’Arlequin, il s’en va en pièces et se renouvelle constamment, il est sien, il n’est pas elle : « Neque adeo certi sumus vel minimam materiæ in nativitate a nobis acceptæ particulam in corpore nostro superesse, licet etiam cadem machina subinde plane fransformetur, augeatur, diminuatur, involvatur aut evolvatur. Itaque non tantum anima est perennis sed etiam aliquod animal semper superest, et si certum aliquod animal perenne dici non debeat, quia species animalis non manet ; quemadmodum cruca et papilio idem animal non est, etsi eadem sit anima in utroque. Habet igitur hoc omnis naturæ machina, ut nunquam sit plane destruibilis, cum crasso Argumento utcunque dissipato, semper machinula nondum destructa subsit, instar vestium Arlequini comici, cui post mullas tunicas exutas, semper adhuc nova supererat. » (Epist. ad Wagnerum, Erdm., 466, b.)

  1. Un vivant… un animal. — La classe des vivants comprend le règne animal et le règne végétal. On a vu, §19, la différence que Leibniz établit entre l’entéléchie et l’âme. Le corps d’un vivant et d’un animal est toujours organique, jamais simplement mécanique, et ce corps est proprement le point de vue de l’âme. « L’opération des automates spirituels, c’est-à-dire des âmes, n’est point mécanique ; mais elle contient éminemment ce qu’il y a de beau dans la mécanique ; les mouvements, développés dans les corps, y sont concentrés par la représentation, comme dans un monde idéal qui exprime les lois du monde actuel et leurs suites ; avec cette différence, du monde idéal parfait qui est en Dieu, que la plupart des perceptions, dans les autres, ne sont que confuses. » (Théod., §403.) Que l’on suppose une sphère creuse sur la surface convexe de laquelle soient tracées une multitude de figures ; diminuez son rayon de moitié, les mêmes figures subsisteront, mais réduites, plus petites, parlant, plus confuses ; diminuez encore le nouveau rayon de moitié, et continuez ainsi jusqu’à ce que vous vous soyez rapproché le plus possible du point géométrique. Cette sphère infinitésimale, à laquelle vous aboutissez, c’est l’image de l’entéléchie ou de l’âme ; les figures primitivement tracées sur la grande sphère sont l’image des mouvements mécaniques qui s’accomplissent dans le corps. On voit que ces mouvements, et tout ce qu’ils ont de beau, existent éminemment dans le point vivant, l’entéléchie, l’âme. Par la réflexion, ce point vivant en pourrait prendre connaissance dans sa propre substance ; mais il aime mieux les projeter, pour ainsi dire, et se les représenter comme sur un écran où ils sont agrandis et paraissent moins confus.