Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/128

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Rousseau, que j’ai tronquées quelquefois, mais seulement pour les abréger, jamais pour en altérer le sens.

Et là-dessus je songe :

— Voilà donc un des ouvrages les plus fameux du XVIIIe siècle ; celui qui a définitivement fondé la gloire de Rousseau, et qui, quarante ans après, a peut-être le plus agi (avec le Contrat social) sur la sensibilité et l’imagination des hommes.

Quelle pauvreté, pourtant, sous son apparente insolence ! Toute la thèse est fondée sur l’opposition de la nature, qui serait le bien, et de la société, qui serait le mal : et l’auteur ne définit même pas ce mot de « nature ». Dieu sait pourtant s’il a besoin d’être défini ! Pour Buffon, la nature paraît être l’ensemble des forces dont se compose la vie de l’univers. Pour Diderot, la nature c’est l’athéisme, c’est le contraire des institutions et des lois, et c’est, finalement, le plaisir. Pour Rousseau, il semble bien que la nature, ce soient les instincts et les sentiments avec lesquels l’homme vient au monde. Or, le désir de durer, celui de ne pas souffrir, celui de vivre en société, celui même d’étendre son être, de posséder, de se distinguer et de dominer sont apparemment et ont été de tous temps parmi ces instincts. Mais, aux yeux de Rousseau, l’invention même de la hache et de la fronde, celle de l’agriculture et de la navigation sont autant de déchéances ; le choix dans l’amour est une déchéance ; la formation de la famille est