Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/154

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mon ancien ami, vint me voir et m’éclaira sur mon état. Les sondes, les bougies, les bandages, tout l’appareil des infirmités de l’âge[1] rassemblé autour de moi, me fit durement sentir qu’on n’a plus le cœur jeune impunément quand le corps a cessé de l’être. La belle saison ne me rendit point mes forces, et je passai toute l’année 1758 dans un état qui me fit croire que je touchais à la fin de ma carrière.

Et voici une lettre, encore plus douloureuse, adressée à un médecin inconnu (probablement Thierry) et datée du 10 mai 1758 (ce qui prouve que Jean-Jacques se trompe quelquefois sur les dates, puisque tout à l’heure il plaçait la crise quatre mois plus tôt).

L’eau de chaux ne m’ayant rien fait, je l’ai quittée. Le lait ayant tout à fait supprimé les urines, j’ai été forcé de le quitter aussi. Il s’est formé depuis quelque temps une enflure dans le bas-ventre, un peu au-dessus de l’aîne gauche. Cette enflure est en ligne droite et dans une direction oblique. Elle rentre quand je suis couché et reparaît à l’instant que je me lève. Ce n’est point une descente[2]. Elle n’a que la douleur sourde et légère qui, depuis quelques années, ne me quitte point dans cette région. Du reste l’urine diminue en quantité de jour en jour, et sort plus difficilement, excepté quand elle est tout à fait crue et couleur d’eau claire : alors elle sort avec un peu plus d’abondance et de facilité. Mais en quelque état que ce soit, il faut toujours presser le bas-ventre pour la faire sortir. Je vous dis cela, persuadé que mon mal n’a jamais été connu de personne et qu’on en pourrait peut-être tirer quelques

  1. Il n’avait pourtant que quarante-six ans.
  2. Il dit ailleurs que c’en était une.