Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/159

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de réformes prudentes, Rousseau républicain du pays d’Utopie ; Voltaire impie, Rousseau religieux ; Voltaire ami de l’ordre avant tout, — mais voulant ruiner, du moins dans les hautes classes, la religion qui soutient l’ordre ; Rousseau menaçant cet ordre, — mais défendant le sentiment religieux : si bien que, chacun d’eux ne réussissant que dans la partie négative de sa tâche, l’un portera à la religion, et l’autre à l’ordre social nécessaire, des coups que, pour ma part, je déplore avec simplicité.

Mais revenons à la Lettre sur les spectacles ou Lettre à d’Alembert. C’est un des ouvrages les plus connus de Rousseau. Il ne manque guère de figurer dans les programmes de la licence et de l’agrégation. Dieu seul sait le nombre des dissertations qui ont été composées par de bons jeunes gens sur le « paradoxe du Misanthrope ». Et c’est pourquoi je me contenterai presque de résumer la Lettre sur les spectacles. Voici.

Le théâtre est le plus artificiel de tous les arts, celui où il y a le plus de feinte et de simulation, puisque, d’abord, l’écrivain dramatique prétend y faire une représentation directe de la vie, et que l’acteur y fait un personnage qu’il n’est point dans la réalité, et plie à ce jeu son corps même et son âme. Bref le mensonge y est complet. L’homme y est aussi loin que possible de l’état de nature. Le théâtre est l’extrême fleur de la civilisation. Sur