Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/171

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vous avez au contraire étudié, analysé, composé vous-même, pour en mieux juger les effets, le poison dangereux dont vous cherchez à nous préserver ; et vous décriez nos pièces de théâtre avec l’avantage non seulement d’en avoir vu, mais d’en avoir fait… Oh ! je sais bien, les spectacles, selon vous, sont nécessaires dans une ville aussi corrompue que celle que vous avez habitée longtemps ; et c’est apparemment pour ses habitants pervers, car ce n’est pas certainement pour votre patrie, que vos pièces ont été composées : c’est-à-dire, monsieur, que vous nous avez traités comme ces animaux expirants qu’on achève dans leurs maladies de peur de les voir longtemps souffrir. Assez d’autres sans vous auraient pris ce soin ; et votre délicatesse n’aura-t-elle rien à se reprocher à notre égard ? Je le crains d’autant plus que le talent dont vous avez montré au théâtre lyrique de si heureux essais comme musicien et comme poète, est du moins aussi propre à faire au spectacle des partisans que votre éloquence à lui en enlever. Le plaisir de vous lire ne nuira point à celui de vous entendre ; et vous aurez longtemps la douleur de voir le Devin du Village détruire tout le bien que vos écrits contre la comédie auraient pu nous faire.

C’est d’un joli persiflage, et qui devait enrager Rousseau. Et sans doute il peut répondre, et il avait à peu près répondu, en effet, dans la préface de Narcisse : « J’ai fait du théâtre, mais qui ne pouvait plus nuire à des êtres aussi corrompus que vous ; et d’ailleurs je n’en fais plus. Et puis, d’avoir manqué à mes préceptes, cela doit-il m’empêcher de les proclamer si je les crois vrais ? N’importe, il reste que cet homme qui condamne