Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/177

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indigne. Je conçois comment on rejette avec un regard froid et repoussant les avances des grands qu’on n’estime pas : mais comment, sans m’oublier, en userais-je avec vous, monsieur, que mon cœur honore, avec vous que je rechercherais si vous étiez mon égal ? N’ayant jamais voulu vivre qu’avec mes amis, je n’ai qu’un langage, celui de l’amitié, de la familiarité. Je n’ignore pas combien, de mon état au vôtre, il faut modifier ce langage : je sais que mon respect pour votre personne ne me dispense pas de celui que je dois à votre rang… Je suis toujours dans le doute de manquer à vous ou à moi, d’être familier ou rampant…

Et ça continue. Mon Dieu, que d’histoires ! et que cela est lourd ! — Dans une autre lettre :

Ah ! monsieur le maréchal, vous ne songez pas combien il m’est doux de voir que l’inégalité n’est pas incompatible avec l’amitié, et qu’on peut avoir plus grand que soi pour ami.

Encore ? Il passe son temps à rappeler au bonhomme qu’il est maréchal et duc. (Ah ! nous sommes loin, ici, de la jolie attitude si aisée de Voltaire avec les grands seigneurs.)

Un jour, le Genevois Coindet étant venu montrer au maréchal des projets d’estampes pour la Nouvelle Héloïse, le maréchal le retint à dîner, et, comme Coindet était obligé de retourner à Paris de bonne heure, il dit à la compagnie : « Allons nous promener sur le chemin de Saint-Denis ; nous accompagnerons monsieur Coindet ». Le maréchal ne pensait faire là rien de sublime. Mais, après nous avoir raconté le fait, Jean-Jacques ajoute : « Pour moi,