Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/19

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défaut, c’est donc que vous avez de très bonnes âmes).

C’est pourquoi je comprends l’exaltation de cette première page, et cette invocation à Dieu qui se termine ainsi :

Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité : et puis qu’un seul te dise s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là.

Qu’est-ce à dire ? Ce cri veut nous étonner et sent son charlatan. Mais songez d’où venait Rousseau, où il avait vécu, à qui il se comparait : et vous verrez que ce qu’il exprime là, c’est, en somme, — retournée dans l’expression, — la pensée de Joseph de Maistre : « Je ne sais pas ce qu’est le cœur d’un coquin ; je sais ce qu’est le cœur d’un honnête homme : c’est affreux. »

Et d’ailleurs, je le dis parce que cela est vrai, Jean-Jacques, quand il commença d’écrire les Confessions, à Motiers, en 1762, était devenu un fort honnête homme. Les maladies, la persécution avaient développé ses sentiments religieux. Il était déjà dans cette disposition d’esprit presque mystique qui sera si sensible dans ses Dialogues. Il me semble que les Confessions, œuvre d’un pénitent superbe qui s’oppose à tous les autres hommes et en appelle aux siècles futurs, ont tout de même