Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la véracité de Jean-Jacques peut être en défaut, il faut croire du moins à sa sincérité.

Joignez qu’il a, au plus haut point, le souvenir des lieux, qui l’aide à garder celui des faits ou des sentiments. En voici un exemple (et où nous trouvons aussi, dans la vision et dans l’accent, un je ne sais quoi qu’on ne connaissait pas trop avant Jean-Jacques, et qui sera, si vous voulez, le commencement de l’impressionnisme).

Les moindres faits de ce temps-là me plaisent par cela seul qu’ils sont de ce temps-là. Je me rappelle toutes les circonstances des lieux. Je vois une hirondelle entrant par la fenêtre, une mouche se poser sur ma main tandis que je récitais ma leçon ; je vois tout l’arrangement de la chambre où nous étions ; le cabinet de M. Lambercier à main droite, une estampe représentant tous les papes, un baromètre, un grand calendrier, des framboisiers qui, d’un jardin fort élevé dans lequel la maison s’enfonçait sur le derrière, venaient ombrager la fenêtre et passaient quelquefois jusqu’en dedans. Je sais bien que le lecteur n’a pas grand besoin de savoir tout cela, mais j’ai besoin de le lui dire… (Livre I).

« J’ai besoin de le lui dire. » Ô individualisme ! ô romantisme !

Et encore (souvenir de la maîtrise d’Annecy, avec le bon M. le Maître (M. Nicoloz)) :

…Non seulement je me rappelle les temps, les lieux, les personnes, mais tous les objets environnants, la température de l’air, son odeur, sa couleur, une certaine impression locale qui ne s’est fait sentir que là, et dont le souvenir vif m’y transporte de nouveau.