Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/246

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tous ceux qui, très touchés du féminin, auraient voulu, non pas atténuer, mais au contraire entretenir et même accentuer les différences entre les deux sexes.

Rousseau pousse si loin ce sentiment (déjà exprimé dans la Lettre sur les spectacles et ailleurs) qu’il ne retient pour les filles absolument aucun des procédés qu’il applique à l’éducation des garçons ; comme si les deux sexes n’avaient intellectuellement rien de commun, et comme si rien de ce qui convient à l’un ne pouvait convenir à l’autre.

Tandis que le gouverneur d’Émile lui accordait toute la liberté possible et voulait qu’il ne fût jamais puni que par les choses, et tandis qu’il excitait son élève à penser par lui-même et à se mettre au-dessus du jugement des hommes, — deux Muses sévères, la Contrainte, et le Respect de l’Opinion, président à l’éducation des filles :

Les filles doivent être gênées de bonne heure… La dépendance est un état naturel aux femmes, les filles se sentent faites pour obéir… (On peut les punir, elles.) — …Il résulte de cette contrainte habituelle une docilité dont les femmes ont besoin toute leur vie, puisqu’elles ne cessent jamais d’être assujetties ou à un homme, ou aux jugements des hommes, et qu’il ne leur est jamais permis de se mettre au-dessus de ces jugements. — Il n’importe pas seulement que la femme soit fidèle, mais qu’elle soit jugée telle par son mari, par ses proches, par tout le monde… L’apparence même est au nombre des devoirs des femmes… La femme, en faisant bien, ne fait que la moitié de sa tâche, et ce qu’on pense