Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/251

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« combustibilité » de leur tempérament, qu’Émile s’installe à deux lieues de Sophie, et qu’ils ne se voient que deux ou trois fois par semaine. Puis, un jour, il tient à Émile un discours, fort beau en vérité, admirable même et du plus pur stoïcisme, où il l’exhorte à quitter Sophie pendant deux ans, afin d’assurer par une épreuve leur futur bonheur. Et il persuade Émile, et Émile persuade Sophie, parmi des « torrents de pleurs ».

Émile voyage donc « pour étudier les gouvernements et les mœurs ». Il rapporte de ses voyages un résumé du Contrat social — et cette pensée, entre autres, qui est peut-être vraie, mais qui semble peu démontrable : « La France serait bien plus puissante, si Paris était anéanti ».

Et l’on marie enfin Émile et Sophie. Et vous croyez que, cette fois, le rôle du précepteur est terminé, et que c’est aux jeunes gens de « gouverner » eux-mêmes leur bonheur conjugal ? Non ; et l’œil de l’inlassable précepteur est encore dans leur alcôve. L’impudeur naturelle de Jean-Jacques abonde d’autant plus en conseils aux jeunes mariés, qu’il n’a pas été marié, lui ; que son initiation par madame de Warens fut passive et cynique, et qu’il n’a pas eu à initier Thérèse, et que, de par sa vie privée, il ne paraît guère mieux qualifié pour l’éducation des époux que pour l’éducation des enfants. Mais passons ! Ou plutôt disons que, là encore, il rêve sa vie, qu’il se donne le spectacle de ce qu’il n’a pu faire, et qu’il s’étend peut-être