Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/263

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avaient montré quelque réserve. Jean-Jacques, nous le savons, leur en avait gardé rancune ; et il est donc fort possible qu’en poussant à la démocratie toute pure son tableau idéalisé d’une petite république, il ait voulu ennuyer un peu ces membres privilégiés du Petit Conseil, qu’il avait inutilement traités dans sa dédicace de « magnifiques et souverains seigneurs ».

Ce n’est que par là, je crois, qu’on peut « insérer », comme je disais, le Contrat social dans la vie personnelle et intime de Jean-Jacques : Jean-Jacques veut démocratiser Genève par rancune des sentiments trop tièdes du gouvernement genevois à son égard. — Il n’est pas impossible.

D’autre part, il n’était pas nécessaire sans doute, mais il était assez naturel que Rousseau, censeur des mœurs dans ses premiers livres, précepteur d’amour dans la Julie, oracle de l’éducation dans l’Émile, sentît le besoin d’être enfin législateur, pour achever sa mission de bienfaiteur de l’humanité. Car tous ces emplois se tiennent. — Lui-même avait dit dans l’Émile (et l’on y peut voir une amorce au Contrat social) :

Comment faire pour que l’homme, dans l’état civil, reste aussi libre que possible, ne subisse pas des volontés particulières et arbitraires, ne subisse que des volontés générales ? Il faut substituer la loi à l’homme ; armer les volontés générales d’une force réelle, supérieure à l’action de toute volonté particulière.

Bref, c’est l’homme d’un rôle qui a écrit le