Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/270

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Savoyard. Et justement, lui qui condamne dans le Contrat ceux dont la croyance n’est pas conforme à son orthodoxie, il sera condamné, et à cause du Contrat et à cause de la Profession de foi, par deux autres orthodoxies, celle du Parlement de Paris et celle du Petit Conseil de Genève. Si bien qu’il pourra se dire : Patere quam fecisti legem. Mais assurément il ne se le dira pas.)

Ainsi, le peuple souverain, qui ne devait prendre à chaque citoyen que la part de sa liberté « dont l’usage importe à la communauté », lui prend finalement tout. — Et, comme sans doute Rousseau prévoit qu’il y aura de mauvais esprits qui essayeront de résister ou de se dérober, il imagine par surcroît un tas de magistratures imitées des républiques antiques pour maintenir l’ordre : — la dictature, bien entendu, dans les grandes crises ; mais aussi la censure, pour surveiller les mœurs, dénoncer les méchants et réglementer ce qui pourra rester de plaisirs aux malheureux citoyens, — et le tribunat, « conservateur des lois et du pouvoir législatif » et qui « servira quelquefois à protéger le souverain contre le gouvernement » (c’est-à-dire le peuple contre ses commissaires), comme faisaient à Rome les tribuns du peuple, quelquefois à soutenir le gouvernement contre le peuple, comme fait à Venise le Conseil des Dix ; et quelquefois à maintenir l’équilibre de part et d’autre, comme faisaient les Éphores à Sparte. (Sentez-vous se dresser ici, déjà, l’appareil du gouvernement de la