Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/300

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lui était coutumière et qu’il avait si éloquemment enseignée à son Émile. Il avait eu tout de suite la pensée d’aller s’établir en Suisse. Dans sa chaise de poste, il lit la Bible et crayonne un poème en prose sur le Lévite d’Ephraïm. Il n’est point trop inquiet. Il aime sa patrie et il croit qu’elle le lui rend. Son génie fait honneur à Genève. Il avait Genève devant les yeux quand il a écrit le Contrat social. Et comment les pasteurs genevois prendraient-ils mal l’Émile, eux que d’Alembert (dans son article GENÈVE, de l’Encyclopédie) soupçonnait de « socianisme », c’est-à-dire, en somme, de rationalisme ?

Oui, là-bas, en Suisse, il sera bien.

En entrant, dit-il, sur le territoire de Berne, je me fis arrêter ; je descendis, je me prosternai, j’embrassai, je baisai la terre, et m’écriai dans mon transport : Ciel ! protecteur de la vertu, je te loue, je touche une terre de liberté !

Il était loin de compte. C’était, pour le malheureux, le commencement de réelles persécutions, de trois années d’une vie errante et lamentable, traquée de refuge en refuge ; et sa propre Église lui devait être plus cruelle que l’Église de France.

Pourquoi ? Vous en trouverez les raisons très clairement déduites dans le livre excellent de M. Édouard Rod : L’Affaire Jean-Jacques Rousseau.

Donc, il arrive à Iverdun (territoire de Berne) chez son vieil ami Roguin. A peine arrivé, il