Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/311

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coup plus qu’une réalité. Mais, ceci réservé, les déductions de Rousseau sont irréprochables :

Chacun, conclut-il, en demeure seul juge en lui-même (juge de la doctrine et des interprétations) et ne reconnaît en cela d’autre autorité que la sienne propre. Les bonnes instructions doivent moins fixer le choix que nous devons faire, que nous mettre en état de bien choisir. Tel est le véritable esprit de la Réfomation, tel en est le vrai fondement. La raison particulière y prononce…, et il est tellement de l’essence de la raison, d’être libre que, quand elle voudrait s’asservir à l’autorité, cela ne dépendrait pas d’elle. Portez la moindre atteinte à ce principe, et tout l’évangélisme croule à l’instant. Qu’on me prouve aujourd’hui qu’en matière de foi je suis obligé de me soumettre aux décisions de quelqu’un, dès demain je me fais catholique, et tout homme conséquent et vrai fera comme moi.

Et plus loin, contre ces pasteurs qui, avant l’affaire Rousseau, affectaient une extrême liberté d’esprit et passaient même pour « sociniens » :

Ce sont en vérité de singulière gens que messieurs vos ministres : on ne sait ni ce qu’ils croient, ni ce qu’ils ne croient pas ; on ne sait même pas ce qu’ils font semblant de croire ; leur seule manière d’établir leur foi est d’attaquer celle des autres

Et il va plus avant. Il prête aux catholiques ce qu’ils auraient pu répondre aux premiers réformateurs, et il embarrasse ceux-ci dans leurs propres contradictions par un raisonnement que Bossuet eût avoué, et d’un accent où Bossuet eût seulement mis plus de charité et de douceur. Rousseau fait