Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/324

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jamais il n’a été plus grand écrivain… Et cependant il est déjà fou.

Fou sur un point. Il soupçonne tout le monde, même et surtout ses anciens amis, de le haïr, de l’espionner, de le trahir, de le persécuter, de former un vaste complot pour le rendre odieux et pour le déshonorer. — Dès l’Ermitage, il montrait des signes de cette maladie mentale. Mais elle le possède à présent, et presque sans relâche ; et les douze dernières années de sa vie ne sont plus que l’histoire d’un pauvre animal poursuivi et traqué par une meute qu’il porte dans son imagination, c’est-à-dire par lui-même.

Nous l’avons laissé à Strasbourg, cherchant encore où il s’établirait. Il semble se décider pour Berlin. Puis, brusquement, pressé par la comtesse de Boufflers, il se rend à Paris avec un sauf-conduit. Il loge chez le prince de Conti, au Temple, qui est lieu d’asile, et où tout Paris vient le voir et le fatigue. Et, le 4 janvier 1766, il se laisse emmener en Angleterre par David Hume.

Hume avait la réputation d’un fort honnête homme, et certainement il avait de la sympathie pour Rousseau et désirait lui rendre service. Dès leur arrivée à Londres, Hume écrivait à la comtesse de Boufflers :

Mon pupille est arrivé en bonne santé ; il est très aimable, toujours poli, souvent gai, ordinairement sociable.