Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/91

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chose en 1762, dans sa Deuxième Lettre à M. de Malesherbes, et avec plus d’échauffement encore :

«… Si jamais quelque chose a ressemblé à une inspiration subite, c’est le mouvement qui se fit en moi à cette lecture… » Et il parle de palpitations, d’éblouissements, d’un étourdissement semblable à l’ivresse, et il dit qu’il se laisse tomber sous un des arbres de l’avenue et qu’il y passe une demi-heure dans une telle agitation, qu’en se relevant, il aperçoit tout le devant de sa veste mouillé de ses larmes sans avoir senti qu’il en répandait.

Tout ça pour aboutir à la prosopopée de Fabricius !

Tel est le récit de Rousseau. Mais il y a celui de Marmontel dans ses Mémoires (livre VII).

Voici le fait dans sa simplicité tel que me l’avait raconté Diderot et tel que je le racontai à Voltaire.

J’étais (c’est Diderot qui parle) prisonnier à Vincennes ; Rousseau venait m’y voir. Il avait fait de moi son Aristarque, comme il l’a dit lui-même. Un jour, nous promenant ensemble, il me dit que l’Académie de Dijon venait de proposer une question intéressante, et qu’il avait envie de la traiter. Cette question était : Le rétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer les mœurs ? Quel parti prendrez-vous ? lui demandai-je. Il me répondit : Le parti de l’affirmative. — C’est le pont aux ânes, lui dis-je ; tous les talents médiocres prendront ce chemin-là, et vous n’y trouverez que des idées communes, au lieu que le parti contraire présente à la philosophie et à l’éloquence un champ nouveau, riche et fécond. — Vous avez raison, me dit-il après y avoir réfléchi un moment, et je suivrai