Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/100

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l’inspiration pour leur plaisir et celui des autres, et chez qui l’intelligence sera à deux doigts du génie et en saura faire office, si bien que le monde n’y perdra presque pas.


III

Pourtant, quand on a dit de M. Coppée qu’il peut passer pour le plus adroit de nos ouvriers en rimes, encore que l’éloge ne soit pas mince, ce serait lui faire tort que de réduire à cela son mérite. Il faut indiquer d’autres traits par lesquels sa physionomie se précise. Nous savons par lui qu’il est fils de ce Paris populaire qu’il aime et comprend si bien. Enfant nerveux et maladif, il a dû connaître de bonne heure les souffrances délicates, les sensations déjà artistiques. À y bien regarder, sa virtuosité n’est qu’une des formes de cette sensibilité subtile. Car c’est par la même sensibilité qu’on est amoureux des mots et de leurs combinaisons, qu’on y saisit certaines nuances fugaces, et qu’on est curieux des réalités, qu’on en reçoit des impressions très déliées et douloureuses ou charmantes. Un grand virtuose, quoiqu’on ait pu parfois s’y tromper, est nécessairement un homme très sensible. Tout au moins la recherche, même exclusive, de la forme suppose-t-elle une sorte de sensualité épurée, qui peut être aussi communicative qu’une émotion morale. Et c’est pourquoi le plus impassible des écrivains (Leconte de Lisle ou Gus-