Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/115

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comment le retour de la rime, et de la rime riche, ne nuit en rien à la propriété et à la clarté de cette prose qui se donne pour poésie. Il y faut un merveilleux savoir-faire ; mais enfin tout le mérite de l’ouvrier n’est plus guère que dans la difficulté vaincue.

Je ne serais pas loin de ranger parmi ces « exercices » simplement amusants une bonne moitié, par exemple, du Petit épicier :

  C’était un tout petit épicier de Montrouge,
  Et sa boutique sombre, aux volets peints en rouge,
  Exhalait une odeur fade sur le trottoir.
  On le voyait debout derrière son comptoir,
  En tablier, cassant du sucre avec méthode.
  Tous les huit jours, sa vie avait pour épisode
  Le bruit d’un camion apportant des tonneaux
  De harengs saurs ou bien des caisses de pruneaux, etc.

Et notez que plus loin le manque de sérieux se trahit par des vers qui sentent la plaisanterie du vieux Flaubert :

  Il avait ce qu’il faut pour un bon épicier :
  Il était ponctuel, sobre, chaste, économe, etc.

Un certain nombre des dizains de Promenades et Intérieurs mériteraient le même reproche. On se demande si toutes ces impressions valaient bien la peine d’être si soigneusement notées et rimées. Il y en a certes d’aimables et de délicates, comme celle-ci :

  J’écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
  Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,