Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/143

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rugueux de la peau des mastodontes. L’un des sommets a la forme d’un monstre. Il semble nager sur les vagues de la terre, s’abaisser pour se relever dans le roulis des mouvements du globe, tandis que les nuages floconneux, posés sur le monstre, l’entourent d’écume soulevée[1].

L’auteur de Païenne éprouve avec une rare violence l’ivresse des formes, de la lumière et des couleurs. Il y a chez sa Mélissandre, si raffinée pourtant, quelque chose de la large vie animale et divine du Centaure de Maurice de Guérin.

Je me grisais en respirant la flamme de l’astre immortel, j’en recherchais les embrassements ; je crus trouver un être semblable à moi, plus brûlant, que je coiffais de rayons, que je personnifiais, dont je partageais les habitudes, me levant, me couchant à ses heures, amoureuse de sa face étincelante, désespérée de ses disparitions comme de l’absence d’un être adoré. Le soleil fut ma première passion, mon premier culte.

Les grandes formes des montagnes, je les animalisais, je leur trouvais des figures mystérieuses. Quand je courais à leur pied, je m’imaginais les entraîner avec moi dans des courses vertigineuses, au galop de mon cheval. Les arbres m’accompagnaient en longue file ou par troupe ; je me sentais emportée par le mouvement de toute la terre sous le regard de toutes les étoiles ! Ah ! les belles chevauchées que celles faites avec la nature entière ! etc.[2]

Dans ces paysages divinisés vivent en effet des demi-dieux et des déesses. Les héros et les héroïnes

  1. Païenne, p. 27.
  2. Païenne, p. 22.