Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/16

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Lui-même a défini l’ode funambulesque « un poème rigoureusement écrit en forme d’ode, dans lequel l’élément bouffon est étroitement uni à l’élément lyrique et où, comme dans le genre lyrique pur, l’impression comique ou autre que l’ouvrier a voulu produire est toujours obtenue par des combinaisons de rimes, par des effets harmoniques et par des sonorités particulières. »

Notons dès maintenant que toute la poétique de M. de Banville est implicitement contenue dans cette définition. Pour lui, même dans la poésie sérieuse, c’est uniquement par des arrangements de mots que « l’impression est obtenue », non par la qualité des idées ou des sentiments, ni même par le mouvement de la phrase ou par le choix des mots considérés en dehors de « l’effet harmonique ». Ou, s’il repousse peut-être ces conséquences extrêmes, tout au moins la rime, ses pompes et ses œuvres, ses éclats, ses entrelacements et ses surprises, c’est-à-dire la forme du vers dans ce qu’elle a de plus spécial, dans ce qui la distingue expressément de la prose, est bien pour lui l’essentiel de la poésie, et la poésie même. Théorie louche qui fuit et se dérobe quand on essaie de la préciser. Mais, si la théorie est obscure, la tendance est assez claire.

Il n’est pas étonnant que, après quelques essais de beaucoup d’éclat et de beaucoup de jeunesse (les Cariatides, les Stalactites), cette façon de concevoir la poésie ait conduit M. de Banville tout droit au genre