Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sans se ressembler un peu ; tout contact est un échange. » Sa part dans le travail commun, je ne saurais certes la définir aussi bien qu’elle :

Notre collaboration, un éventail japonais ; d’un côté, sujet, personnages, atmosphère ; de l’autre, des brindilles, des pétales de fleurs, la mince continuation d’une branchette, ce qui reste de couleur et de piqûre d’or au pinceau du peintre. Et c’est moi qui fais ce travail menu, avec la préoccupation du dessus et que mes cigognes envolées continuent bien le paysage d’hiver ou la pousse verte aux creux bruns des bambous, le printemps étalé sur la feuille principale.

Et elle pourrait apporter autre chose encore dans cette communauté littéraire. Par elle il échapperait au pessimisme pédant et à cette conception brutale de la vie qui est si tristement en faveur. À cause d’elle il resterait clément à la vie ; il réserverait toujours un coin dans ses histoires aux braves gens, aux jeunes filles, aux honnêtes femmes, aux âmes élégantes et aux bons coeurs. Elle l’aiderait à sauver du mercantilisme littéraire et des succès déshonorants la délicate fierté de son art. S’il tentait quelque sujet périlleux, s’il voulait peindre quelque misère particulièrement honteuse, une pudeur retiendrait sa plume et il resterait chaste à cause de celle qui le regarde écrire. Et il y aurait ainsi dans son œuvre deux fois plus de grâce qu’il n’en aurait mis tout seul et la décence dont les hommes anciens faisaient un attribut de la grâce (gratiæ decentes). Et partout on y sentirait, même