Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/202

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au Collège de France, dans la petite salle des langues sémitiques.


I

À quoi bon pourtant ? N’est-ce point par leurs livres, et par leurs livres seuls, qu’on connaît les écrivains et surtout les philosophes et les critiques, ceux qui nous livrent directement leur pensée, leur conception du monde et, par là, tout leur esprit et toute leur âme ? Que peuvent ajouter les traits de leur visage et le son de leur voix à la connaissance que nous avons d’eux ? Qu’importe de savoir comment ils ont le nez fait ? Et s’ils l’avaient mal fait, par hasard ? ou seulement fait comme tout le monde ?

Mais non, nous voulons voir. Combien de pieux jeunes gens ont accompli leur pèlerinage au sanctuaire de l’avenue d’Eylau pour y contempler ne fût-ce que la momie solennelle du dieu qui se survit ! Heureusement on voit ce qu’on veut, quand on regarde avec les yeux de la foi ; et la pauvre humanité a, quoi qu’elle fasse, la bosse irréductible de la vénération.

Au reste, il n’est pas sûr que l’amour soit incompatible avec un petit reste au moins de sens critique. Avez-vous remarqué ? Quand on est pris, bien pris et touché à fond, on peut néanmoins saisir très nettement les défauts ou les infirmités de ce que nos pères appelaient l’objet aimé et, comme on est peiné de ne