Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/234

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Or celui qui ne consent pas à cette exactitude moindre dans l’expression de certaines nuances de la pensée, du sentiment, de la sensation, peut être encore le critique-né de bien des livres ; l’est-il de tous ? N’y en a-t-il pas qui lui échappent en partie et sur lesquels, si je puis dire, sa juridiction n’est pas absolue ?

Puis, si M. Brunetière a la vigueur, la finesse, un esprit coupant, souvent une subtilité sèche, il n’a point la grâce, et, comme j’ai dit, je ne le lui reprocherai point ; mais voilà, c’est qu’il ne l’a pas du tout, pas même par hasard, pas même un peu. Sa façon d’écrire, extraordinairement tendue, la lui interdit. Après cela, il est peut-être téméraire de dire jusqu’à quel point un écrivain manque de grâce, et, au surplus, on peut s’en passer.

Enfin, le style de M. Brunetière est sans doute très curieux dans son archaïsme savant ; mais, si on voulait lui appliquer la règle qu’il applique aux autres, quelle recherche, quelle affectation, et combien éloignée du naturel de la plupart des classiques ! Quels embarras il fait avec ses qui, ses que, ses aussi bien et ses tout de même que ! Est-il assez content de parler la bonne langue, la meilleure, la seule ! Il ne prend pas garde qu’écrire comme Bossuet, ce ne serait peut-être pas écrire selon la syntaxe et avec le vocabulaire de Bossuet, mais écrire aussi bien dans la langue d’aujourd’hui que Bossuet dans celle de son temps. La langue de M. Edmond de Goncourt est, pour M. Brunetière, le plus affecté des jargons ; mais n’est-ce pas