Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peut-être en soi. Il faut que les divers arrangements de rimes vaillent ce qu’ils ont coûté. Il faut que la rime ne soit là que pour ajouter à la force du sentiment ou de la pensée, non pour les éliminer ou, à tout mettre au mieux, pour les susciter au hasard. Le plaisir que donnent l’entrelacement des belles consonances et la difficulté vaincue ne saurait compenser tout seul ni l’absence d’idée ou d’émotion, ni le manque de dessein, d’ordre et d’enchaînement.

Il faut aussi que les combinaisons de rimes aient une raison d’être. On comprend pourquoi les rimes se croisent ou s’embrassent dans le quatrain ou le sixain ; on comprend la constitution du sonnet : il y a là des symétries fort simples. Mais pourquoi le rondeau a-t-il treize vers ? Pourquoi le second couplet du rondeau n’en a-t-il que trois ? Pourquoi, à la fin du rondel, ne répétez-vous que le premier vers du refrain ? On avait réponse à cela autrefois, s’il est vrai que ces petites pièces se chantaient : elles étaient calquées sur une mélodie, sur un air de danse. Mais, maintenant qu’on ne les chante plus, ces combinaisons nous semblent absolument arbitraires. Ce sont tours de force gratuits.

Et ces tours de force sont tels qu’on ne peut presque jamais les exécuter avec assez de perfection pour exciter l’applaudissement. La petite ballade a quatorze, six et cinq rimes semblables ; la double ballade en a vingt-quatre, douze et sept ; la grande ballade, onze, neuf, six et cinq ; le chant royal, dix-huit, douze,