Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/67

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Et le Retour au coeur est déjà dans la Vertu, ce raccourci de la Critique de la raison pratique. Enfin les dernières stances Sur la mort ressemblent fort à celles qui terminent les Destins ; le ton seul diffère. Ainsi (et c’est sans doute ce qui rend sa poésie lyrique si substantielle), nous voyons M. Sully-Prudhomme tendre de plus en plus vers la poésie philosophique.


VI

On peut placer ici les poèmes qui ont été inspirés à M. Sully-Prudhomme par les événements de 1870-71 ; car l’impression qu’il en a reçue a avancé, on peut le croire, la composition de ses poèmes philosophiques et s’y fait sentir en maint endroit. Le souvenir des pires spectacles de la guerre étrangère et civile, la désespérance et le dégoût dont il a été envahi devant la bestialité humaine brusquement apparue, sont pour beaucoup dans le pessimisme radical des premières « veilles » de la Justice.

La dernière guerre a produit chez nous nombre de rimes. La plupart sonnaient creux ou faux. L’amour de la patrie est un sentiment qu’il est odieux de ne pas éprouver et ridicule d’exprimer d’une certaine façon. Un jeune officier s’est fait une renommée par des chansons guerrières pleines de sincérité. Mais, à mon avis du moins, M. Sully-Prudhomme est le poète qui a le mieux dit, avec le plus d’émotion et le moins