Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus à une besogne d’ingénieur. Le Zénith est un hymne magnifique et précis à la science, et qui réunit le plus possible de pensée, de description exacte et de mouvement lyrique. M. Sully-Prudhomme n’a jamais fait plus complètement ce qu’il voulait faire. Voici des strophes qui tirent une singulière beauté de l’exactitude des définitions, des sobres images qui les achèvent, et de la grandeur de l’objet défini :

  Nous savons que le mur de la prison recule ;
  Que le pied peut franchir les colonnes d’Hercule,
  Mais qu’en les franchissant il y revient bientôt ;
  Que la mer s’arrondit sous la course des voiles ;
  Qu’en trouant les enfers on revoit des étoiles ;
  Qu’en l’univers tout tombe, et qu’ainsi rien n’est haut.

  Nous savons que la terre est sans piliers ni dôme,
  Que l’infini l’égale au plus chétif atome ;
  Que l’espace est un vide ouvert de tous côtés,
  Abîme où l’on surgit sans voir par où l’on entre,
  Dont nous fuit la limite et dont nous suit le centre,
  Habitacle de tout, sans laideurs ni beautés…

Faut-il descendre dans le détail ? Nous signalons aux périphraseurs du dernier siècle, pour leur confusion, ces deux vers sur le baromètre, qu’ils auraient tort d’ailleurs de prendre pour une périphrase :

  Ils montent, épiant l’échelle où se mesure
  L’audace du voyage au déclin du mercure,

et ces deux autres qui craquent, pour ainsi dire, de concision :

  Mais la terre suffit à soutenir la base
  D’un triangle où l’algèbre a dépassé l’extase…