Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/94

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versifient habilement et timidement. Lamartine prend la versification telle qu’elle est : ce lui est assez d’apporter une poésie nouvelle. Il ne tient pas à l’opulence des rimes ; les rejets et les coupes de l’abbé Delille lui suffisent. En revanche, il élargit prodigieusement la période poétique.

Musset s’amuse à disloquer l’alexandrin, finit par revenir à la prosodie de Boileau et persiste à rimer plus pauvrement que Voltaire.

Sainte-Beuve ressuscite le sonnet ; Gautier, les tierces rimes ; Banville, la ballade, les anciens petits poèmes à forme fixe et presque toutes les strophes ronsardiennes.

Victor Hugo, jusqu’aux Contemplations, observe à peu près l’ancienne coupe de l’alexandrin. Mais dès ses débuts il rime avec richesse ; il reprend ou invente de belles strophes. Dans ses drames, et dans son oeuvre lyrique à partir des Contemplations, il lui arrive de hacher le vers et d’abuser de l’enjambement au point de rendre la rime peu saisissable à l’oreille. Mais, en somme, cette erreur est rare chez lui. Sa rime devient de plus en plus étourdissante de richesse et d’imprévu : ses derniers volumes sont par là bien amusants. En même temps il accorde droit de cité à une nouvelle espèce d’alexandrin, celui qui se partage, non plus en deux, mais en trois groupes égaux ou équivalents de syllabes. Mais, par un scrupule, par un reste de respect pour la « césure » classique, même quand il use de cette coupe nouvelle, il a soin