Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/155

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rait conçu autrement vingt ans plus tard. Une fille qui aime mieux son amant que son père (car c’est cela au fond), une fille dont la volonté est impuissante à étouffer la passion et qui reste sympathique par cela même, quel scandale ! Mais il ne recommencera pas. Un instant, il nous montre la victoire d’un devoir incontestable (Horace), puis d’un devoir plus douteux (Polyeucte) sur la passion ; mais bientôt cela ne lui suffit plus : ce qu’il exalte, c’est le triomphe de la volonté toute seule, ou tout au plus de la volonté appliquée à quelque devoir extraordinaire, inquiétant, atroce, et dans la conception duquel se retrouvent, avec la naïve et excessive estime des « grandeurs de chair » (Pascal), les idées de l’Astrée et de la Clélie sur la femme et les doctrines du XVIe siècle sur la séparation de la morale politique et de l’autre morale. Auguste déjà, croyez-vous qu’il pardonne simplement par bonté ? Non, mais un peu par politique et surtout par orgueil, pour jouir de sa volonté et parce que l’effort en est illustre aux yeux de l’univers : cela est dit vingt fois dans la pièce. Et Rodelinde (Pertharite), Dircé (Œdipe), Sophonisbe, Pulchérie, Bérénice, Camille (Othon), Eurydice (Suréna) etc., qu’aiment-elles et quelle gloire leur faut-il, sinon de prouver la force incommensurable de leur volonté par quelque sacrifice absurde et qui ne paraît point leur coûter, tant elles en sont payées par leur orgueil ? Tous ces héros (et la plupart sont des héroïnes) ressemblent plus ou