Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/209

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    Tout être aimé qui n’est pas heureux paraît ingrat.

Celui qui arrange un mariage sacrifie d’ordinaire une de ses connaissances à un de ses amis.

On est tenté de croire qu’on fait bien dès qu’on se sacrifie. Comme l’égoïsme, l’abnégation a son aveuglement.

La vraie séparation est celle qui ne fait pas souffrir.

Ce qu’on dit à l’être à qui on dit tout n’est pas la moitié de ce qu’on lui cache.

Quand on aime, on se sent moins d’esprit ; quand on est aimé, on en a davantage.

Pour bien donner comme pour bien recevoir, il n’y a qu’à laisser voir son bonheur.

Il faut qu’un homme soit bien aimable pour qu’on lui pardonne de n’être pas celui qu’on attendait.

La plus efficace des consolations est d’avoir à consoler.

Les belles dents rendent gaie.

La charité du pauvre, c’est de vouloir du bien au riche.

L’indulgence qui excuse le mal est moins rare que la bienveillance qui ne le suppose même pas ; parce qu’on se fait moins d’honneur en ne soupçonnant rien qu’en pardonnant tout.

La morale nous défend de céder à la tentation et ne nous console pas toujours d’y avoir résisté.

Mais tout finirait par y passer. Vous jugez bien qu’on ne fabrique pas ces pensées-là avec des procédés et des formules. Grâce, finesse et bonté, indulgence sans illusions, philosophie douce qui rappelle, avec quelque chose de plus sain et de plus tendre, celle de quelques femmes du siècle dernier, une sagacité qu’on ne trompe pas, mais qui pardonne parce qu’elle comprend, une intelligence très pénétrante et passablement désenchantée, mais consolée par un