Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
LES CONTEMPORAINS.


d’être bouddhiste, et béni soit Çakia-Mouni ! Sa philosophie n’est peut-être pas très claire : mais combien belle ! Ce monde est un scandale au juste ? Rassurez-vous. Ce monde n’est pas vrai : il n’est que le rêve de Hâri. Et qu’est-ce que Hâri en dehors de son rêve ? Il n’est pas très aisé de le savoir. Ce qui est certain, c’est qu’il est parfaitement heureux et qu’on arrive à se fondre dans sa béatitude par le détachement et la bonté inactive. Ce sont bien, en effet, les deux seules choses qui ne trompent point. Ajoutez-y le rêve poussé jusqu’à l’évanouissement de la conscience. Certes, elles sont monstrueuses, les idoles de l’Olympe indien, mais, bien mieux que les belles divinités grecques elles font courir en nous le frisson du mystère. La bizarrerie de leurs formes, la disproportion de leurs membres et l’absurdité de leur structure ne donnent point l’idée d’une personne et découragent l’anthropomorphisme où nous sommes enclins. Elles n’ont point de beauté ni, à proprement parler, de laideur mais des contours extravagants d’où l’harmonie est absente et qui, par une sorte d’indéfini terrible, symbolisent l’infini. — Et s’il vous plaît de voir quelqu’une de ces figures, non plus telle qu’on peut la traduire aux sens, mais telle que l’imagination la conçoit, contemplez le dieu Hâri, le principe suprême, dans la Vision de Brahma. Toute splendeur et toute horreur s’y trouvent réunies. Rien n’égale la précision des détails, sinon le vague formidable de l’ensemble. Il croise comme deux palmiers d’or ses vénérables