Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/310

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— Pourquoi veux-tu être curé ?

— Parc’ qu’on n’ fait ren.

— Et puis ?

— Parc’ qu’on n’est pas soldat.

— Et puis ?

— Parc’ qu’on va manger dans les châtiaux. »

L’enfant faisait ces réponses avec un sourire niais, enchanté d’être en scène devant des messieurs. C’était horrible, cet avilissement d’un pauvre petit diable, et chaque fois j’injuriais l’imprésario… Mais, au reste, je suis persuadé que ces fils de paysans qui entrent quelquefois au séminaire par intérêt y prennent peu à peu des sentiments plus élevés. Et si beaucoup, après cet « entraînement », finissent peut-être par exercer le sacerdoce comme un métier, par songer surtout à leur bien-être et à leur avancement temporel, cette médiocrité d’âme n’implique chez eux ni l’absence de foi ni le manquement aux devoirs essentiels de leur état.

Voilà ce qu’on ignore ; et il faut reconnaître aussi que le prêtre ne se laisse pas facilement pénétrer, même aux croyants, même à ceux dont il n’a point de raison de se défier. Presque toujours il apporte dans les relations sociales des façons polies et cérémonieuses derrière lesquelles il se retranche ; ou, s’il est bonhomme et jovial, cette bonhomie ne nous renseigne guère mieux sur sa vie intérieure. Nos romanciers avaient donc pu nous tracer des silhouettes ecclésiastiques assez exactes, nous peindre parfois avec assez