Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/336

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des stupéfactions devant les êtres qu’il crée. De là des outrances et des naïvetés : continuellement il nous avertit que ce que nous voyons ou entendons est terrible, et, comme il le croit, il nous le fait croire. « Tout à coup il eut un soubresaut, et de sa bouche s’échappèrent ces paroles épouvantables. » Ou bien : « On ne saurait croire l’expression de force, de fermeté, que la figurine de ce vieillard de soixante-quinze ans, molle, souriante auparavant, venait de prendre tout à coup. » Et voyez quelle conviction dans cette réflexion candide : « En vérité, l’homme est-il ainsi fait que la passion le puisse ravaler à ce point ? Hélas ! oui, l’homme est ainsi fait, Rufin Capdepont, plus faible, eût été plus modéré peut-être… » Et quelle pédanterie naïve dans ce tour de phrase : « Sa tête surtout paraissait transfigurée. Certes, c’étaient toujours les belles lignes sculpturales, pleines de noblesse, qui nous ont arrêté dès le commencement de cette étude… »

Cette espèce d’ingénuité s’explique par la vigueur même et la profonde sincérité de la conception. Et c’est aussi pourquoi les héros de M. Fabre s’épanchent avec tant d’abondance et pourquoi ses romans sont presque entièrement en discours. Ce sont des âmes qui débordent. Et le romancier déborde aussi. Il y a dans ses histoires des longueurs, de la diffusion, des redites, des situations répétées, mais toujours de la grandeur et du mouvement. Et le style est touffu, pesant, laborieux, excessif, mais solide aussi, robuste, savoureux et coloré.