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LECONTE DE LISLE.


ladie métaphysique de devenir jamais mortelle à ce peuple subtil. Plus tard, quand ils eurent perdu la liberté, à Alexandrie, en Sicile, ils se consolaient encore par leur belle mythologie, par les symboles sensuels de leur religion naturaliste et par des rêves de vie pastorale dans la campagne divinisée.

Or la sérénité de leur fatalisme, de leurs révoltes et de leurs joies, et tout ce qu’il y a d’humain dans leurs mythes revit aux poèmes de M. Leconte de Lisle. Il a passionnément aimé ces amants de la vie et de la beauté. — Nous sommes loin de Hâri formidable et inintelligible. Salut, dit le poète à Vénus de Milo,


Salut ! à ton aspect le cœur se précipite ;
Un flot marmoréen inonde tes pieds blancs ;
Tu marches fière et nue, et le monde palpite,
Et le monde est à toi, déesse aux larges flancs !


Au sortir des lourdes somnolences bouddhiques, il dit les tristesses viriles de la muse grecque. Il nous montre, en deux drames dont la forme imite d’assez près les tragédies d’Eschyle, l’aventure fatale d’Hélène amante de Pâris, et d’Oreste vengeur de son père et meurtrier de sa mère. Mais aussitôt surgissent les rebelles, chers au poète de Kaïn : c’est Khirôn puni pour avoir rêvé des dieux meilleurs que ceux de l’Olympe ; c’est Niobé, fidèle aux Titans vaincus, qui auront leur jour et qui rétabliront le règne de la Justice. — Enfin, il se repose de ces graves histoires