Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/76

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étranges qui poussent mieux dans un humus composé d’innombrables débris de végétaux morts.

Si donc il n’y a plus guère de génies souverains, il y a des « cas particuliers ». Et c’en est un, parmi beaucoup d’autres, que celui de M. Armand Silvestre, hiérophante dans ses vers, commis voyageur et des plus mal élevés dans sa prose.


I

Les lecteurs du Gil Blas, qui se délectent deux ou trois fois par semaine aux amours de l’ami Jacques et aux aventures du commandant Laripète, ont-ils lu les Renaissances, les Paysages métaphysiques, et les Ailes d’or, et soupçonnent-ils que M. Silvestre a été l’un des plus lyriques, des plus envolés, des plus mystiques et des mieux sonnants parmi les lévites du Parnasse ? Se doutent-ils qu’il y eut jadis chez cet étonnant fumiste de table d’hôte, chez ce grand et gros garçon taillé en Hercule qui courait, il y a quelques années, la foire au pain d’épice, relevant le « caleçon » des lutteurs (c’est le gant de ces gentilshommes) et sollicitant les faveurs des femmes géantes visitées par l’empereur d’Autriche, — se doutent-ils qu’il y a peut-être encore chez ce Panurge bien en chair un Indou, un Grec, un Alexandrin ?

Le poète, pâmé aux pieds de sa maîtresse — non toujours à ses pieds, pour dire vrai, — chante son